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Lettre à Inès Seba
Jeune fille,
Vous avez pu parler parfois d'une "vie difficile qui ne vous a pas gâtée" ou à d'autres moments de "l'impression de ne jamais pouvoir être heureuse ou trouver l'amour", et je voulais à ces sujets vous dire quelques mots.
On se dit souvent, enfant comme adulte, que toutes les réponses ont déjà été données... et que tout le monde sait déjà tout ce qu'il y a à savoir de l'existence.
Au sortir de l'adolescence, regardant derrière moi toutes ces difficiles années franchies - souvent sans réponse - j'ai eu le désir d'écrire sur l'adolescence, afin de témoigner du manque, justement, face auquel je m'étais trouvé.
Je n'ai jamais écrit ces lignes... jusqu'à aujourd'hui, où je me dis que cela pourrait être utile à quelqu'un.
Néanmoins, je dois préciser n'être ni savant, ni praticien de ces choses-là. Rien de ce qui suit n'est à prendre à la lettre... mais pourrait servir plutôt à s'interroger sur ces domaines, pour se faire son avis propre. Ceci ayant été dit !
Là où un enfant est insouciant, jouant, rigolant et se moquant de tout, l'adolescent et le jeune adulte s'ouvre au monde qui l'entoure, et s'y trouve très souvent perdu. En-dehors de l'enseignement scolaire, très spécifique, peu de gens seront là pour vous guider et vous informer (à moins que vous ne preniez à part des adultes, comme vos parents, pour leur exposer vos "soucis", "peines", "contrariétés" ou "incompréhensions").
Bref, souvent mal adapté à l'école, n'ayant pas de but ou de projet de vie, l'adolescent se demande (d'après mes souvenirs) ce qu'il va faire plus tard, vers où se diriger après le bac ? Que faire sans même un bac ? Quel métier aime-t-il et voudrait-il faire ? Quelle vie sera la sienne ?
Et quelque part aussi, la question la plus difficile: pourquoi la vie ne me donne-t-elle pas tout ce dont je rêve ? Ou au moins une petite partie, ça serait déjà cool !!!
Je vois ainsi cette période de la vie comme celle d'un apprentissage de ce qu'est la vie, au fond ! J'ai cherché une image pour représenter la vie, un peu éloignée des clichés habituels. J'ai trouvé celle-ci :
La vie, c'est une travailleuse acharnée. Regardez les gens qui vous entourent, ou ceux que vous croisez dans la rue. A tous ces gens, elle doit trouver des études, un foyer, des amis, du travail, de quoi vivre, de quoi être heureux. Quel boulot pour la vie ! Alors parfois, elle sera géniale, et vous donnera des choses inespérées. Et puis parfois, elle aura vraiment trop de boulot à s'occuper de tous les autres, alors il vous faudra vous-même prendre les choses en main... et faire au mieux.
Rien ne vous attend ! Rien ne vous est dû ! Mais vous avez le droit à votre vie, à votre place ici-bas, comme n'importe qui, comme tous les autres.
Alors pour revenir à votre première citation, jeune fille : "vie difficile qui ne vous a pas gâtée", soyez assurée que ça peut arriver, et pourtant il n'est pas sûr du tout que cela continue ainsi pour toujours. Il y aura aussi forcément des moments joyeux où la vie vous gâtera, et souvent, au final, plus de bon que de mal !
Je pense qu'on passe à l'âge adulte au cours des étapes suivantes (à compléter, hein) :
- Un premier boulot - qui fait rentrer plein de sous, le bon côté - et nous fait découvrir ce que c'est que de travailler 35 heures par semaine, voire plus,
- Quitter papa et maman, pas forcément pour fonder une famille, mais déjà avoir un studio à la fac, ou s'installer dans un premier chez soi... avec tout le quotidien à gérer : faire à manger, laver les vêtements, etc...
- Apprendre à s'aimer soi-même : son nom/prénom qu'on n'aime pas, un "défaut" physique, comme ses cheveux, ou quelque chose qu'on voudrait différemment, ses qualités et ses défauts. S'accepter soi-même, prendre conscience qu'on n'est pas aussi bien que ce qu'on aurait rêvé, représente un grand pas pour franchir l'adolescence,
- Prendre en main son avenir : commencer à faire des recherches pour trouver ce qu'on fera plus tard, ou (dans le cas de certains) fonder sa strat-up à 15 ans, exemple extrême je sais. Non, ce que je veux dire c'est "prendre conscience de soi, et de ce qu'on peut vouloir devenir, de ce qu'on peut obtenir par la volonté" en cherchant à s'accomplir.
Pour ce dernier point, je voudrais souligner que "rêver ne suffit pas", mais aussi qu'il faut garder à l'esprit de ne pas se brûler les ailes, s'investir comme un fou dans un projet "irréalisable" ne garantit pas qu'il réussira.
Concernant enfin l'amour, et le fait de rencontrer une personne complémentaire. Cela peut arriver tellement vite, ou prendre du temps. Pour ma part, mes vraies rencontres se firent après 18 ans. Et j'ai regretté pour certaines de ne pas être assez mature pour éviter de perdre certaines personnes.
Sans vouloir jouer les théologiens de l'amour, toutes ces années de jeunesse constituent aussi une période d'apprentissage : comment se comporter auprès de la personne qu'on aime, au quotidien. Ce n'est pas inné !? Le fait de rencontrer au fil de la vie de nouvelles personnes, qui toutes auraient pu être la seule ou le seul, fait qu'on apprend à aimer, à prendre, à donner, à partager... à vivre en complément avec quelqu'un (et le sacro-saint, parait-il, faire des concessions).
C'est sans doute un miracle que deux personnes se regardent et ne se quittent plus des yeux. Mais l'amour peut venir du fait, aussi, de prendre son courage et d'aller parler à une personne pour la découvrir et voir si elle aussi peut désirer nous découvrir (sans de suite vouloir mettre le grappin dessus, mais en laissant les choses suivre leur cours patiemment).
Je voudrais finir ce mauvais laïus en disant que les questions restent posées longtemps... Devenu adulte, les questions demeurent souvent. Mais l'obligation de vivre - simplement et de gérer son quotidien - fait qu'on les surmonte ou qu'elles prennent moins d'importance.
Vivre au final, c'est prendre sa place comme chacun en a le droit. C'est tout ce que je vous souhaite, jeune fille... Une vie belle et heureuse...
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